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La collaboration avec Willy Mancel

Willy Mancel constructeur et marionnettiste

Pour faire construire les marionnettes, puis pour leur donner vie, j’ai rencontré Willy Mancel.
Tout d’abord, j’ai cherché qui pouvait construire et manipuler des marionnettes dans la région. J’ai demandé à une comédienne Marionnettiste qui travaillait avec une collègue comédienne dans une autre compagnie. Mais la relation n’a pas prise. Elle sortait de scène, avait autre chose à penser. Je l’ai rappelé, mais elle ne m’a pas recontacté. Je n’ai pas insisté. Si le premier contact n’est pas fluide, cela ne me met pas en confiance. Je me dis que si la personne est ouverte, a envie de me rencontrer et besoin de travailler, la rencontre se fera.
Avec Willy, ça a été l’inverse. Il a tout de suite été à l’écoute quand je l’ai rencontré, la première fois dans un café pourtant assez glauque à la gare de Nantes. Il ne m’a pas pris de haut et a écouté mon projet.
Puis il m’a présenté Jérémy, et ils se sont rapidement mis au travail. Le tarif dont nous avons convenu était largement en deçà du travail qu’il allait fournir. Il le savait, et connait les difficultés de compagnies, en ayant une lui-même, la compagnie aux mains nues. On s’est rencontré à plusieurs reprises pendant la conception des marionnettes. Il a refait une tête qui ne me plaisait pas, à cause de la bouche de Marcin, l’ouvrier sans papier. Elle se déformait dans deux sens différents, et ça me chiffonnait. Il a argumenté, me disant que cela lui donnerait deux couleurs différentes, mais comme il sentait que je n’étais pas convaincu, il n’a pas insisté et a accepté de la refaire complètement. Je ne le remercierai jamais assez. Peut-être avais-je tort… Mais c’est à cette souplesse qu’on reconnaît le générosité et l’ouverture d’un artiste. Cela se voit dans leur art. C’est d’ailleurs ce qui m’a séduit dans le travail que je suis allé voir de lui. Au delà de ce que racontait le spectacle, c’est le soin et l’amour de son art et du public qui transpirait, avec une grande
simplicité, alors que ça n’est jamais simple.
On s’est tenu au courant régulièrement, Willy est venu voir les premières lectures, puis il est venu faire travailler les comédiens sur les rudiments de la manipulation de le marionnette à gaine. Je lui ai laissé complètement la place. Je connais les bases du fonctionnement des marionnettes pour avoir suivi une formation enthousiasmante avec Alain Recoing à la Sorbonne nouvelle à Paris 3. Mais je ne pratique pas beaucoup, et Willy a fait l’école de la marionnette à Paris, que Pierre Blaise a repris. Il monte ses spectacles et construit ses marionnettes. Il a été très encourageant, et certains comédiens ont besoin de la souplesse du formateur. Il est exigeant, et patient. La vie ne vient pas toujours du premier coup. Certains manipulateurs l’insufflent comme par magie, d’autres, non. Certaines marionnettes n’ont qu’une envie, c’est de vivre. D’autres attendent qu’on veuillent leur donner les mouvements justes.
PS : Je tenais à signaler que Willy a travaillé pour la construction des moules, les dessins et les têtes avec Jérémy qui a dessiné et conçu les têtes. Il a aussi construit la structure de la palissade tournante, que Roby a terminée.


Les étapes de fabrication des marionnettes


Les comédiens et la marionnette

Nous ne sommes pas égaux face à la manipulation de la marionnette. Cela révèle beaucoup de choses sur les comédiens. Il faut savoir s’effacer pour donner vie à sa marionnette. C’est au bout de son bras qu’il faut projeter son émotion, pour qu’elle arrive jusqu’à la marionnette.
Pour certains, cela ne demande que peu d’efforts. Ils comprennent presqu’instinctivement comment ils doivent s’effacer devant la marionnette et comme décaler la vie au bout de leur bras, ou de leur torse, ou ailleurs, selon la marionnette. Ensuite, il faut faire un calage technique. J’ai vu des comédiens très doués pour la manipulation.
Pour d’autres, faire passer une marionnette avant son propre égo est totalement impensable. Cela relève presque de la magie ! ! !
C’est le cas des certains interprètes qui ne ressentent pas la vie si elle n’est pas à l’intérieur d’eux. Je trouve ça très émouvant de voir un comédien travailler lorsqu’il est confronté à cette difficulté. Paradoxalement, on pourrait penser que le manipulateur peut se cacher derrière sa marionnette. Mais cela ne fonctionne pas comme ça tout le temps. La marionnette dévoile son manipulateur. Le comédien se retrouve nu, sans artifice quand il s’agit de donner l’expression de ses sentiments à un autre, presqu’extérieur à soi. Le comédien essaie de toute sa générosité de donner à la marionnette, mais ça ne fonctionne pas. Il n’arrive pas à s’effacer, il prend toute la place et la marionnette est écrasée par son manipulateur. Cela amène beaucoup de rancoeur ou de colère du comédien contre la marionnette. Mais comment pourrait-elle être responsable de sa propre difficulté ? Alors qu’elle est sans vie ? Les excuses trouvées sont nombreuses : « Ça ne fonctionne pas parce que l’endroit ou je passe ma main est trop petit ». « La marionnette a de trop grandes oreilles », « elle ne renvoie pas de vie ». « Le décor n’est pas adaptée pour elle ».
Mais malgré tout, à force d’effort, de travail sur soi, d’abnégation, même les comédiens qui ne sont pas fait à priori pour la manipulation trouvent les ressources nécessaires. Dans l’économie d’un spectacle ou la manipulation dure quelques scènes, ça fonctionne. Quel beau travail sur soi, et quelle belle recherche humaine !

Sylvain et Willy manipulent La Brumeuse

Première lecture et premières répétitions